Le syndrome de Sharp

Le syndrome de Sharp ou connectivite mixte est l’association chez un patient de symptômes identiques à au moins deux connectivites. Pour rappel, le groupe des connectivites rassemble des maladies auto-immunes qui ont en commun une atteinte diffuse, inflammatoire, chronique des fibres de collagènes du tissu conjonctif.

La connectivite mixte a été décrite pour la première fois en 1972 par Gordon Sharp et ses collaborateurs en tant que tableau clinico-biologique autonome, associant des manifestations appartenant à la fois au lupus érythémateux disséminé, à la sclérodermie systémique, à la polymyosite et à la polyarthrite rhumatoïde. Ce syndrome est associé à la présence dans le sang d’anticorps antinucléaires à fluorescence mouchetée dont l’antigène correspondrait à une ribonucléoprotéine.

Par la suite, une distinction a été faite entre un syndrome de Sharp dont l’évolution est lente et bénigne, et celui où l’évolution est sévère, accompagnée de complications classiques de l’une ou l’autre des connectivites citées. Ces cas sévères sont plutôt des formes de lupus, de polymyosite ou de sclérodermie authentiques dont les signes au départ ont pu prêter à confusion.

En tant qu’entité spécifique, le syndrome de Sharp est une affection rare qui touche principalement les femmes jeunes. Comme dans toutes les connectivites, on peut trouver des antécédents familiaux d’autres maladies de système ou auto-immunes.

 Signes caractéristiques de la maladie :

Il existe des critères de diagnostic définis par l’équipe d’Alarcon Segoviaz (1989) dans une série très importante, critères revus par l’équipe de Kahn et de Kasukawa.

  • Le début est lentement progressif, avec apparition d’un syndrome de Raynaud.
  • Il existe souvent un aspect de « gros doigts boudinés » assez évocateur, ainsi qu’un authentique syndrome du canal carpien.
  • La capillaroscopie lorsqu’elle est pratiquée peut donner le change avec une sclérodermie systémique débutante.
  • Il existe souvent des polyarthralgies, voire de véritables arthrites inflammatoires, surtout des extrémités.
  • On peut voir des myalgies, avec anomalies biologiques évocatrices d’une myosite.

Diagnostic

  • L’absence de complication viscérale au départ (digestive, rénale, pulmonaire, cardiaque) est évocatrice du syndrome de Sharp.
  • Il existe un syndrome inflammatoire complet.
  • Surtout, l’existence d’anticorps anti-nucléaires à fluorescence mouchetée à un titre élevé, de type anti-RNP, est caractéristique.

Traitement

Il est d’autant plus efficace (par rapport à celui d’autres connectivites) que l’évolution est en générale lente.

  • Il est basé sur l’utilisation d’aspirine, ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (après vérification de l’état rénal et digestif).
  • Le syndrome de Raynaud bénéficie d’anticalciques ou de prostaglandines vasodilatatrices.
  • Un traitement de fond par antipaludéens de synthèse (Nivaquine) est souvent préconisé (en l’absence de contre-indication).

L’emploi des corticoïdes est rarement indispensable, voire déconseillé tant que le syndrome se limite aux atteintes décrites précédemment.

Le syndrome de Sharp existe-t-il vraiment ?

Depuis plus de 20 ans, le Pr SIBILIA (CHRU de Strasbourg) se pose la question. Après avoir suivi de nombreux malades, il en est venu à la conclusion que ce syndrome n’est autre qu’un mode particulier d’entrée dans une des maladies systémiques auto-immunes. Tôt ou tard, ce syndrome va évoluer soit vers un lupus soit vers une sclérodermie, plus rarement vers une arthrite rhumatoïde avec atteintes érosives des articulations. La caractéristique principale de ce syndrome est la présence d’anticorps anti-ribonucléoprotéines dans la prise de sang. Sa prise en charge et sa surveillance permettent de mieux contrôler et d’éviter, si possible, les complications liées à ces différentes maladies systémiques dont le syndrome serait le signe précurseur et non une entité comme on l’avait cru au départ.