Les Vaccins : Pourquoi font-ils peur?

Les Français boudent les vaccins. Peur de la piqûre ? C’est plutôt leur composition et leurs effets secondaires présumés qui inquiètent. Alors qu’il y a dix ans la vaccination faisait presque l’unanimité, près de 40 % de la population s’en est détournée ces dernières années. A l’heure de mettre ses vaccins à jour, lors de la semaine de la vaccination, du 20 au 25 avril 2015, Sciences et Santé se penche sur les modes d’action, les bienfaits et les risques de ces médicaments pas comme les autres, qui sauvent chaque année deux à trois millions de vie dans le monde.

Pas de doute, la cote des vaccins est en baisse. Alors qu’en 2005, 90 % des Français en avaient une opinion favorable, ils n’étaient plus que 61,5 % en 2010 selon deux enquêtes comparables de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Aujourd’hui, la confiance semble regagner un peu de terrain mais sans atteindre la quasi-unanimité du début des années 2000. D’où vient ce déficit? Certaines personnes critiquent l’efficacité et les risques liés à la vaccination mais beaucoup dénoncent aussi un sérieux manque d’information. Ainsi, une autre enquête de l’Inpes de 2004 révèle que 40 % des personnes interrogées confient ne pas savoir comment agit un vaccin. Une ignorance qui fait le lit de la méfiance. Et une raison d’expliquer les principes d’action de la vaccination qui repose sur la notion d’immunisation. « Quand une personne atteinte par un agent infectieux guérit, elle devient immunisée, c’est à dire qu’elle est dorénavant protégée d’une nouvelle infection par ce pathogène », explique Camille Locht, microbiologiste et directeur de recherche Inserm au Centre d’infection et immunité de Lille. Elle ne développera plus la maladie, ou alors sous une forme très atténuée. C’est cet effet protecteur que la vaccination essaie de reproduire -immuniser le sujet à vacciner -mais sans le rendre malade. « Le vaccin doit donc leurrer le système immunitaire pour lui donner l’impression de faire face à une infection », continue le chercheur. Pour cela il doit contenir des éléments du microbe reconnus par le système immunitaire : les antigènes microbiens. Ce dernier se mobilise alors pour éliminer ces agents extérieurs. Ce dernier se mobilise alors pour éliminer ces agents extérieurs. C’est d’abord le système immunitaire inné qui entre en jeu. Celui-ci cible sans distinction la plupart des corps étrangers à l’organisme –  le non soi – dont l’agent extérieur inoculé.

Puis, le système immunitaire adaptatif se met en branle et active les cellules tueuses qui vont venir à bout de chacun des intrus. Après le combat, la plupart d’entre elles sont détruites mais une faible proportion survit et forme ce qu’on appelle la mémoire immunitaire. Si les mêmes antigènes se représentent dans l’organisme, ces cellules rescapées, les reconnaîtront et activeront sans tarder, et avec vigueur, le système immunitaire. Il existe plusieurs manières d’induire cette mémoire particulière. Certains vaccins contiennent ainsi des germes vivants du pathogène contre lequel on veut vacciner. Leur virulence est atténuée par leur mise en culture dans des conditions particulières (au froid, par exemple). Ces vaccins dits vivants atténués provoquent une infection avec peu ou pas de symptômes. C’est notamment le cas du célèbre BCG contre la tuberculose, du vaccin contre la varicelle ou du ROR qui protège contre le trio rougeole-oreillons-rubéole. Les vaccins dit inactivés renferment aussi des germes entiers mais ceux-ci sont tués par la chaleur ou des traitements chimiques, par exemple au formaldéhyde comme pour le vaccin  contre la poliomyélite. Quant aux vaccins sous-unitaires, ils contiennent des fragments de microbe purifiés. « Car il n’y a pas toujours besoin de tous les antigènes du germe entier pour induire une réponse immunitaire protectrice », explique Camille Locht. Les vaccins contre les pneumocoques et els méningocoques sont ainsi fondés sur des fractions purifiées extraites de leur capsule.

Enfin, parfois, ce n’est pas le germe qui est directement pathogène mais les toxines qu’il libère dans l’organisme. Des toxines détoxifiées, ou anatoxines, jouent alors le rôle d’antigène. C’est le cas par exemple des vaccins contre le tétanos et la diphtérie. Ces différentes méthodes d’immunisation ont leurs avantages mais aussi leurs inconvénients. Ainsi, les vaccins vivants atténués offrent une protection rapide de longue durée avec une ou deux injections car leur immunogénicité, c’est à dire leur potentiel à provoquer une réponse immunitaire, est proche de celle du pathogène virulent. Cependant,  » ce type de vaccin peut induire un risque infectieux, même s’il est faible », remarque Odile Launey, médecin et responsable du centre d’investigation clinique (CIC) en vaccinologie de l’hôpital Cochin à Paris. Ils sont donc déconseillés pour les personnes affaiblies immunitairement (infection au VIH, leucémie…). Les vaccins inactivés ne présentent pas ce risque infectieux tout en étant immunogènes. Cependant, certains peuvent provoquer des effets secondaires.

Ainsi, le vaccin contre la coqueluche à germe entier pourrait causer, dans de rares cas, des encéphalites, une inflammation de la partie supérieure du système nerveux central. Aujourd’hui, il n’est plus disponible en France. Il a été remplacé par un vaccin sous-unitaire beaucoup mieux toléré. Les vaccins anatoxines sont eux aussi bien supportés mais, comme les vaccins sous-unitaires, ils sont moins immunogènes. Pour accroître leur pouvoir d’immunisation, ces vaccins contiennent des adjuvants. « Ces substances permettent d’améliorer la réponse du système immunitaire inné, essentielle à l’activation des lymphocytes, ces cellules vectrices de la lutte cotnre les pathogènes, et à l’obtention d’une mémoire immunitaire », explique Camille Locht. Plusieurs injections, et des rappels, sont toutefois nécessaire pour induire une immunité sur le long terme. Les adjuvants peuvent aussi être utilisés pour réduire la quantité d’antigènes et le nombre d’injections nécessaires à une bonne protection immunitaire des vaccins inactivés.

DES ANNEES D’ELABORATION

Si le principe d’action des vaccins est globalement compris aujourd’hui, leur mise au point prend beaucoup de temps, comme le confirme Camille Locht, « Leur développement est, en effet, un processus très long. Il faut au moins une dizaine d’années entre la preuve de concept et sa mise sur le marché. » Car de nombreux travaux de recherche sont nécessaires. Une fois la maladie caractérisée et son agent pathogène identifié, des études sont d’abord mises en place pour prouver la faisabilité et l’efficacité du vaccin sur des modèles animaux. Ensuite, vient la phase de développement préclinique qui implique notamment  des tests pharmacologiques et toxicologiques. Un dossier complet du candidat vaccin est alors déposé auprès des autorités compétentes, l’Agence européenne du médicament (EMA) ou l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Si le dossier est retenu, s’en suit le long processus d’études cliniques chez l’homme. Celui-ci se divise en plusieurs phases. « La première, ou phase I, consiste à étudier la sécurité et la tolérance du candidat vaccin sur quelques dizaines de volontaires conscients des risques potentiels », explique le microbiologiste. Son équipe a d’ailleurs présenté l’année dernière les résultats encourageants de phase I d’un nouveau vaccin vivant atténué contre la coqueluche.

Celui-ci est administré par le nez pour immuniser directement les muqueuses respiratoires, celles justement où se développe le germe de la coqueluche. Quant à la phase II, elle s’attache à analyser la réponse immunitaire et parfois à optimiser la dose sur quelques centaines de sujets. Finalement, la phase III, très coûteuse, étudie l’action du vaccin sur plusieurs milliers, voire dizaines de milliers, de sujets. Si son efficacité et sa sécurité sont démontrées, donc que le rapport bénéfice/risque est favorable, celui-ci peut recevoir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Sa fabrication, débutée lors des phases cliniques, peut alors reprendre et durera de 6 mois à 2 ans. Deux grandes étapes sont nécessaires : d’abord, l’étape biologique, qui consiste à obtenir les composés actifs – les antigènes microbiens -, puis l’étape pharmaceutique de formulation et de conditionnement avant sa distribution et sa commercialisation. « Le vaccin n’est pas un médicament comme les autres, explique Camille Locht. Il s’administre à des personnes en bonne santé, y compris des enfants. La sécurité doit être, plus encore que pour d’autres médicaments, primordiale. »  A chaque étape de fabrication, des contrôles drastiques, représentant près de 70 % du temps de production selon les laboratoires pharmaceutiques, sont effectués par les industriels mais aussi par les autorités sanitaires. Cependant, la surveillance ne s’arrête pas là. Les nouveaux vaccins sont non seulement soumis à un système de pharmacovigilance,  la phase IV dite post-AMM comme pour tout médicament, mais aussi à un plan de gestion de risque. Cette surveillance renforcée guette l’apparition d’éventuels effets secondaires qui n’auraient pas été identifiés au cours du développement clinique. Toutefois, la grande majorité des effets indésirables sont bénins : des rougeurs et de légères inflammations au point d’injection et parfois une fièvre peu élevée.

LE TEMPS DE CONTROVERSES

Alors pourquoi malgré des effets secondaires mineurs et des normes strictes de sécurité, la vaccination suscite-t-elle la méfiance chez certains ? L’idée même d’introduire volontairement un corps étranger dans l’organisme d’une personne saine pour le protéger est suspecte. « La défiance envers les vaccins est aussi vieille que la vaccination », assure Patrick Zylberman, historien et chercheur Inserm au Centre de recherche de Médecine, sciences, santé, santé mentale, société (Cermes 3) de l’université de Paris-Descartes. Mais elle a récemment atteint des proportions inégalées en France. « Depuis une vingtaine d’années, il y a une accélération des controverses », confirme l’historien.

Ainsi, en 1993, plusieurs personnes atteintes de sclérose en plaques, pathologie neurodégénérative auto-immune, accusent le vaccin contre le virus de l’hépatite B (VHB) d’avoir déclenché leur maladie. Dès 1994, l’ANSM décide de lancer une enquête officielle de pharmacovigilance pour surveiller ce vaccin et ses possibles effets indésirables. Sans qu’un lien puisse être mis en avant. Au même moment, une grande campagne est organisée pour vacciner enfants et nourrissons. En 1998, contre l’avis des experts, le ministre de la Santé d’alors, Bernard Kouchner, la stoppe, en milieu scolaire tout en la maintenant pour les nourrissons. « C’étais une grande erreur de communication », analyse Patrick Zylberman. Suite à cette controverse, très relayée par les médias, la couverture vaccinale du VHB s’est effondrée. Pourtant une commission nationale examine régulièrement les données recueillies en France et les études épidémiologiques de la littérature scientifique. Jusqu’à présent, « aucune étude solide n’a pu établir de lien causal entre la vaccination par le VHB et la survenue de scléroses en plaques », assure Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations (CTV) du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Cet épisode a pourtant laissé des traces dans les esprits. La couverture vaccinale du VHB peine toujours à remonter la pente.

A la même époque, de l’autre côté de la Manche, c’est le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) qui est accusé d’augmenter l’incidence de l’autisme. Une étude britannique de 1998, publiée dans la revue The Lancet, établissait, en effet, une corrélation entre ce vaccin, l’apparition d’un autisme régressif et des troubles gastro-intestinaux. Ces résultats ont eu un retentissement sans précédent au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Pourtant, là encore, aucune recherche n’a pu établir de liens entre ce vaccin et l’autisme. « Des enquêtes ont d’ailleurs démontré que l’étude du Lancet était frauduleuse à la base, les données étant falsifiées », affirme Daniel Floret. Le journal  ne retirera pourtout cette publication qu’en 2010.

Plus récemment , ce sont les vaccins contre le papillomavirus humain (HPV) qui sont sous les feux de l critique. Censés protéger du cancer du col de l’utérus, ces vaccins mis sur le marché en 2006 et 2007 s’attirent de nombreux reproches. D’abord leur prix, mais aussi leur efficacité et leur intérêt en termes de santé publique. Les deux vaccins existants e protègent, en effet, que de deux formes de papillomavirus humain, les génotypes 16 et 18. Bien qu’elles soient responsables de 70 % des cas de cancer de l’utérus, la vaccination n’exclut donc pas totalement le risque de cancer. Le dépistage régulier par frottis cervico-vaginaux est donc toujours préconisé. Par ailleurs, ce vaccin est déstiné à des jeunes filles de 11 à 14 ans selon le calendrier vaccinal. Or, ce cancer ne se déclare que beaucoup plus tard dans la vie, généralement vers 45-50 ans . Difficile pour le moment de savoir si ces vaccins réduisent réellement son incidence. Plusieurs études ont toutefois montré une baisse du taux d’infection par le HPV chez les jeunes filles vaccinées. Ainsi, des chercheurs américains ont analysé les frottis de plus de 8 000 femmes collectés à part égale avant et après l’introduction du vaccin en 2006. Or, après cette date, la contamination par les HPV a chuté de moitié dans la classe d’âge qui a bénéficié de la vaccination, les jeunes femmes de 14 à 19 ans. Résultats qui laissent supposer une baisse de l’incidence des lésions causées par le virus et, infine, des cancer du col de l’utérus. Ce que confirme une récente étude portant sur plus de 12 000 jeunes femmes danoises nées entre 1989 et 1999 : les femmes vaccinées présentent en effet significativement moins (jusqu’à 80 %) de lésions précancéreuses de haut grade. Toutefois, c’est le risque supposé d’effets secondaires qui suscite le plus de craintes. Des cas de scléroses en plaques ont ainsi été signalés par des personnes récemment vaccinées contre le HPV. Plusieur plaintes ont été déposées depuis 2013. Cependant, les données de la littérature scientifique ne montre pas l’augmentation de l’incidence des scléroses en plaques après une vaccination anti-HPV. La dernière étude en date, publiéedans le Journal of American Medical Association, qui a suivi près de 4 millions de femmes scandinaves, le confirme.

LES ADJUVANTS EN PROCES

En parallèle à cette mise en cause des vaccins eux-mêmes, des interrogations se posent aussi sur l’innocuité des adjuvants à base de sels d’aluminium. Utilisés depuis les années 1920 pour augmenter la réponse immunitaire de nombreux vaccins, ils sont la cause directe de la myofasciite à macrophage (MFM). Derrière ce nom compliqué se cache « une lésion des tissus correspondant à des dépôts de sels d’aluminium dans le muscle deltoïde de l’épaule, là où sont généralement inoculés les vaccins », explique Marc Pallardy, toxicologue et responsable d’une équipe Inserm à l’université Paris-Sud. Cette lésion locale, reconnue par la communauté scientifique, pourrait-elle être associée, chez certaines personnes prédisposées, à une maladie rare caractérisée par une fatigue chronique, des douleurs musculaires et des troubles cognitifs ? C’est ce qu’affirme Romain Gherardi, médecin et responsable d’équipe Inserm à l’Institut Mondor de recherche biomédicale de Créteil, la première à décrire cette lésion en 1998 dans la revue The Lancet. « Jusque-là, il était admis que l’aluminium contenu dans les vaccins était éliminé en quelques semaines par voie urinaire », explique le chercheur. Cependant, les recherches entreprises montrent que, d’une part, ces sels ne sont pas complètement solubilisés dans le liquide interstitiel, et que, d’autre part, l’aluminium peut être biopersistant chez certains individus pendant de nombreuses années. « Des particules d’aluminium sont, en effet, rapidement capturées au point d’injection par des macrophages », poursuit le chercheur. « Nos récents travaux sur des souris sauvages et transgéniques montrent qu’une partie de cet aluminium migre alors vers les ganglions lymphatiques puis vers le foie, la rate et enfin le cerveau. »

Son accumulation dans le cerveau occasionnerait alors une toxicité neurologique centrale qui pourrait en partie expliquer certains symptômes des patients venus consulter à l’Institut Mondor. Ils sont environ 640, à prédominance féminine et autour de 45-50 ans, à associer aujourd’hui leurs maux à l’aluminium contenu dans les vaccins, notamment celui contre l’hépatite B. Récemment des jeunes femmes vaccinées contre le HPV viennent aussi consulter. Sous la pression de ces parents, l’ANSM a accordé en 2013 un financement à l’équipe de Romain Gherardi pour étudier l’impact de ces sels sur des modèles animaux et chez l’homme. Les résultats finaux ne seront pas connus avant 2016. Mais ces travaux, et surtout leurs interprétations, sont loin de faire l’unanimité. « Il n’y a à l’heure actuelle aucun consensus scientifique sur la toxicité des vaccins aluminiques », affirme Marc Pallardy. Les résultats obtenus sur les modèles animaux ne seraient notamment pas transposables à l’homme. « Certaines souris transgéniques utilisées présentent une anomalie de la barrière hématoencéphalique, celle qui empêche d’ordinaire le passage de molécules du sang vers le cerveau, qui la rend anormalement perméable », précise Daniel Floret. Le Haut Comité de santé publique (HCSP) s’est par ailleurs réuni autour de cette question en 2013. Leur rapport du 11 juillet 2013 stipule que « la littérature scientifique ne permet pas de conclure que la myofasciite à macrophages soit associée à une ou plusieurs manifestations systémiques.

LE CAS DU VIRUS A/H1N1

Mais l’épisode qui a le plus entamé la confiance des Français est sans aucun doute celui de la pandémie de grippe A/H1N1 entre 2009 et 2010. Il a cristallisé les peurs et les interrogations causées par ses produits. Tous les aspects de la campagne de vaccination ont été la cible d’attaques, parfois justifiées. D’abord la gravité même de cette grippe qui, bien que contagieuse, s’est finalement révélée beaucoup moins virulente que prévu. En avril 2010, l’Institut de veille sanitaire (InVS) recensait tout de même 1 334 formes graves (réanimation ou soins intensifs) dues à la pandémie et 312 décès directs. Contrairement à la grippe saisonnière, ce sont des adultes jeunes qui ont été e plus affectés par le virus A/H1N1 pandémique. Les vaccins, ensuite, dont l’efficacité et la sûreté ont été remises en question. Pourtant de nombreuses études ont démontré leur pouvoir immunogène. Les travaux dirigés par Béhazine Combadière, immunologiste et responsable d’équipe Inserm à l’université Pierre-et-Marie-Curie de Paris, et récemment publiés, confirment que le vaccin contenant un adjuvant induit une immunité comparable à celle d’une infection modérée par le virus A/H1N1. La protection conférée est donc équivalente à celle procurée par une grippe d’intensité moyenne. Idem pour les vaccins sans adjuvant prescrits à certaines populations considérées comme sensibles, par exemple les femmes enceintes. L’étude clinique PREFLUVA coordonnée par Odile Launay a attesté que le vaccin antigrippal A/H1N1 administré sans adjuvant est immunogène chez la femme enceinte. 

De plus, « la vaccination protège aussi les nouveau-nés jusqu’à l’âge de six mois grâce aux anticorps maternels transmis par le placenta. », ajoute-t-elle. Le fait qu’il y ait plusieurs vaccins, certains avec, d’autres sans adjuvant, a cependant contribué à la confusion. « Le vaccin sans adjuvant était destiné aux populations à risque, comme les femmes enceintes, précise Odile Launay, car elles sont plus sujettes aux complications mais aussi aux effets secondaires. » Le principe de précaution a donc prévalu. Une récente revue de littérature scientifique coordonnée par la chercheuse confirme d’ailleurs l’absence d’effets secondaires chez les femmes enceintes et le foetus suite à la vaccination anti-H1N1. Toutefois, la campagne de vaccination n’a pas été totalement  exempte d’effets indésirables. Plusieurs cas de narcolepsie ont ainsi été signalés dès 2010 dans plusieurs pays par différents groupes de recherche dont celui de Yves Dauvilliers, professeur de neurologie et chercheur Inserm au Centre national de référence Narcolepsie et hypersomnie (CNRNH) de Montpellier. Ce trouble du sommeil est caractérisé par des accès de sommeil brutaux et incontrôlables. Il peut être associé à une perte soudaine de tonus musculaire, appelée cataplexi.

Une étude européenne menée dans plusieurs cnetres (VAESCO) a corroboré une association entre vaccination et narcolepsie chez les enfants et les adolescents en Suède et en Finlande. En France, l’ANSM y a collaboré en finançant l’étude de type cas-témoin NarcoFlu coordonnée par Antoine Pariente, chercheur Inserm en pharmacologie clinique à l’université de Bordeaux-Segalen, surrisque de narcolepsie chez l’enfant et l’adolescent mais aussi chez l’adulte jeune. Ce risque serait multiplié par 6,5 pour les moins de 18 ans et par 4,7 pour les adultes. Environ 60 personnes sont concernées en France sur près de 6 millions de vaccinés. Le risque est donc faible mais « il est important de comprendre les mécanismes à l’origine de ces cas de narcolepsie », insiste Daniel Floret. L’adjuvant contenu dans le vaccin, un mélange « l’huile dans l’eau » appelé squalène, pourrait être en cause mais aucune preuve formelle n’a encore été mise au jour.

COMMUNICATION ET POLEMIQUE

Aux contestations scientifiques se sont ajoutés les débats sur la gestion de la pandémie par le gouvernement. D’une part, les autorités sanitaires ont été vivement critiquées pour avoir écarté les médecins généralistes de la campagne de vaccination. D’autres part, l’achat massif de vaccins a donné lieu à des soupçons de conflits d’intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques. Ces derniers ont aussi été à mal pour leur manque de transparence. Certaines critiques ont même accusé les firmes pharaceutiques de se livrer à des expérimentations sur des populations entières en mettant sur le marché un vaccin insuffisamment contrôlé. Pourtant les vaccins pandémiques sont eux aussi soumis à une régulation stricte. « Bien que certaines procédures soient assouplies pour répondre à l’urgence de la situation », concède Daniel Floret. Dans le cas du H1N1, les produits étaient fondés sur des vaccins « prototypes » contre une potentielle pandémie de grippe aviaire (H5N1), évalués et contrôlés dès 2005. L’expérience accumulée avec le virus de la grippe saisonnière (voir encadré) a alors permis aux laboratoires pharmaceutiques de mettre rapidement au point un nouveau vaccin contre le H1N1. L’épisode de la pandémie marquera toutefois durablement les esprits comme le confirment les travaux de Patrick Peretti-Watel, sociologue et chercheur Inserm à l’université d’Aix-Marseille. La part de Français défavorables à la vaccination est ainsi passée de 10 à près de 40 % entre 2005 et 2010. Parmi eux, la moitié revendiquait d’ailleurs spontanément leur opposition au vaccin H1N1.

DES MALADIES ERADIQUEES ?

Les vaccins ont pourtant contribué, avec l’avènement des antibiotiques et l’amélioration de l’hygiène, à faire drastiquement reculer, voire disparaître, certaines maladies infectieuses graves. Ils ont, en effet, permis d’éradiquer la variole en 1978 et de diminuer de 90 à 99 % l’incidence de nombreuses maladies graves (poliomyélite, diphtérie, tétanos….) dans les pays développés. C’est aussi le cas de maladies considérées, parfois à tort, plus bénignes comme la coqueluche ou la rougeole. Ainsi, l’incidence des oreillons en France a beaucoup diminué depuis l’introduction de la recommandation du vaccin en 1986. Elle est passée de 859 à 9 cas pour 100 000 habitants entre 1986 à 2011 selon des données du réseau de médecins généraliste Sentinelles, en partie financé par l’Inserm. La prévalence moindre de ces maladies contagieuses a permis de considérablement augmenter notre espérance de vie. L’OMS estime d’ailleurs que les vaccins évitent chaque année le décès de 2 à 3 millions de personnes.